Utilitaire & malaisant
Ces derniers mois, j’ai été obligé de basculer sur une vision utilitaire, dédiée à la communication voire au reportage de ma pratique photo[1]. Et pour tout dire, ça me gêne aux entournures. Pire, ça me met mal à l’aise à de nombreuses occasions. Quand il s’agit de prendre des bâtiments, paysages en photo, pas de souci. Les conseiller·ère·s, ça passe. Mais des évènements avec des gens, et le mode panique est enclenché.
Il se trouve que j’ai toujours eu du mal à photographier des gens. Je ne sais pas trop de quoi ça vient, j’ai sans doute l’impression de leur dérober leur image sans autorisation[2], ou peut-être y a-t-il quelque chose de plus compliqué dans ma relation avec l’image d’autrui. Quand je le fais donc, contraint et forcé, j’essaie d’être le plus discret possible, de me fondre dans le décor, qu’on ne me voit pas faire, ce qui est évidemment illusoire. Je ne me sens pas du tout à ma place, ni légitime. Alors je fais à la va-vite, pas idéalement placé, sans trop gérer le cadrage, je ne suis évidemment pas satisfait et souffre de la comparaison avec le correspondant local qui connait tout le monde, obtient les meilleurs sourires, etc[3].
Collision d’impressions photographiques
Alors que je me remets à prendre un peu le temps de développer (numériquement) mes photos de vacances et assimilé pour ne pas finir à ne plus avoir envie de faire de photos (voir ci-dessus), je tombe sur ce billet de Pep et me mets à considérer une photo dont je ne savais que faire. Trop flou pour être sélectionnée, trop nette pour être complètement envisagée de manière “ambiante”, à la lecture de Pep, je me dis qu’en fait, elle donne l’impression du moment, la tombée du jour, les frontières qui deviennent floues, une sensation agréable d’une fin de journée passée à se promener… et tant pis pour la qualité technique.
1 Franck ·
Je pense que tu devrais faire photographe officiel de Paris-Web une année, ça va bien te « décoincer » question portrait droit dans les yeux (ou pas d’ailleurs) :-)
2 Pep ·
Dans la série “pas à l’aise” dans la discipline des figures imposées ou des portraits, je me pose là également.
À côté de ça, j’ai aussi longtemps eu beaucoup de mal à photographier des inconnus. Un peu pénible lorsqu’on aime faire de la photo de rue, n’est-ce pas ? Mais je me soigne peu à peu.
Et peut-être aussi qu’un jour je me prendrai un pain dans la face de la part d’un(e) mécontent(e) énervé(e). ^^
3 Pep ·
Pour répondre à Franck P., je pense que je me sentirais assez à l’aise pour mitrailler orateurs et organisateurs. Certainement parce que je pars du principe que ces positions les exposent déjà au public. Mais je serais beaucoup plus en délicatesse avec les personnes venues assister aux conférences.
4 Tomek ·
Franck Euh… je n’ai clairement pas le niveau ni le matos adéquat. En revanche, comme le dit Pep, ils jouent déjà un rôle d’orateurs et membres du staff, donc ça serait moins gênant, mais pas moins facile, hein.
Pep À vrai dire, c’est un des trucs qui me retient, on ne sait jamais comment les gens peuvent réagir s’ils aperçoivent l’appareil dans leur direction…
5 Franck ·
Eh bien c’est probablement à Paris-Web que je suis arrivé à décoincer cet aspect, à savoir photographier les gens ; et j’ai découvert que c’était rudement chouette ; c’est d’ailleurs ce qui me plaît le plus dans la photo de rue que je pratique de temps à autre !
Un truc à savoir à propos de Paris-Web : depuis quelques années (je crois depuis 2018, 2e année où j’ai officié là-bas), on peut demander un tour-de-cou d’une couleur particulière qui signifie « Pas de photo de moi. » ; c’est une excellente idée et du coup ça libère pour les autres.
6 Tomek ·
Ah c’est marrant j’aurais cru que tu n’avais pas particulièrement de souci en photo de rue, celles que tu publies me semblent aller de soi. Cela dit, je me souviens effectivement de ton appréhension en tant que photographe officiel…
Pour le tour de cou de couleur différente, c’est effectivement une bonne idée.
7 Pep ·
@Franck P. > Oh ! En voilà une bonne idée, belle initiative, que ces tours de cous !
8 Pep ·
@Tomek > Jusqu’à maintenant, j’ai eu droit à quelques regards assassins, mais étonnamment beaucoup plus de sourires.
Le seul coup où j’ai pensé que ça pouvait mal tourner, c’était pendant une manif : avec ma manie d’être toujours en noir et jeans, j’avais presque tout d’un flic banalisé avec mon téléobjectif. Il y a trois djeunz en doudoune qui m’ont pointé du doigt et sont venus me voir. En fait, il s’est avéré qu’ils venaient me demander des conseils pour filmer un clip en nocturne pour leur groupe de rap. xD
9 gilda ·
Super idée que celle des tours de cou ; pendant des années je craignais d’être photographiée (pour diverses raisons, l’une étant liée à mon emploi de jadis “à l’Usine”).
Sinon, j’adore prendre des photos de rue avec des gens dessus, ou des portraits mais de personnes en action, sur un événement sportif, pendant une représentation, un concert … mais je serais bien incapable, au delà de la qualité technique qui me manque, de faire un portrait posé.
Moi aussi le billet de Pep, merci Pep, m’a révélé des trucs que je ne m’étais pas encore formulés.
10 mirovinben ·
J’ai beaucoup de mal à photographier les gens en dehors du cercle familial ou amical. Je partage le ressenti exprimé si bien par Tomek.
Un peu comme si je leur volais une partie de leur âme et/ou dénonçait leur présence, violait leur intimité. Même dans une rue, même dans une foule.
Ce qui n’est aucunement une condamnation pour celles et ceux qui pratiquent ce genre d’activité, souvent avec beaucoup de talent.
C’est juste ce que je ressens au fond de moi. Actuellement.