Envisager l'infinir

Depuis quelques temps, j’ai intégré dans mon lecteur RSS un blog sur l’industrie musicale. C’est toujours intéressant ^[1] de lire des nouvelles sur l’évolution du business autour de la musique. Évidemment on ne parle pas trop de DIY (lol), mais plutôt de grosses boîtes ayant des actionnaires se gavant sur le dos des artistes (Spotify, c’est notamment de toi que je parle). Et aussi d’autres trucs, parfois plus proches de nos réalités.

Pour être plus précis, ce site fait de la veille et partage des extraits d’articles à lire ailleurs. Le dernier article parcouru m’a laissé sans voix, d’une part parce qu’il y a beaucoup d’enfonçage de portes ouvertes, et d’autre part sur l’aspect “attention” des fans (c’est moi qui souligne) :

Vous devez créer régulièrement. Les fans ont une capacité d’attention très courte, qui ne cesse de se réduire, et ils ont besoin d’être nourris de nouveautés en permanence pour rester au premier plan de leurs préoccupations. Que devez-vous créer ? Tout et n’importe quoi, des nouveaux morceaux originaux aux reprises, des versions électriques aux versions acoustiques, des remixes aux chutes, des vidéos des coulisses aux vidéos des paroles, etc.

Vine, et maintenant TikTok, nous a montré que les vidéos courtes sont ce que le public veut, grâce à une durée d’attention qui ne cesse de diminuer. Les valeurs de production ne sont pas importantes tant que vous restez fidèle à vous-même et que vous êtes authentique. Apprenez à aller à l’essentiel aussi vite que possible.

C’est une proposition assez terrifiante quand on y pense, qui tourne autour de la notion d’économie de l’attention, qui prend le pas sur toute autre considération et incite les “producteurs de contenu” à toujours se renouveler pour garder l’attention de ses fans. Toujours plus vite, toujours plus court, on n’a plus ne se donne plus le temps de développer des choses, on doit produire et produire encore, avec le corollaire de polluer (ben oui, aussi) et de ne faire plus que ça… et d’en devenir esclave. De se surexposer, enfin, de surexposer une partie de ce qu’on est. De faire du marketing de soi, à outrance.

Pour tout dire c’est exactement ce dont je souhaite me défaire au niveau personnel, cette dépendance^[2], cette façon de zapper continuellement, d’aller toujours plus vite, d’absorber toujours plus d’images, de vidéos courtes.
En ce qui concerne la promotion de mes projets musicaux, je n’ai aucune envie (ni le temps) non plus de tomber dans ce travers, je n’en vois pas l’intérêt.

À propos de TikTok, un article d’Arrêt sur images expose la façon dont ces types de contenu change radicalement l’approche des réseaux sociaux : Tiktokisation : le crépuscule des réseaux (payant - je peux offrir l’article à qui veut).
Quelques extraits au passage :

N’empêche que la tiktokisation du monde numérique, cette phase d’homogénéisation et de formatage des structures de diffusion en ligne, existe bel et bien, et qu’elle impose violemment de nouvelles règles de forme (vidéo), de temps (court) et d’espace (vertical) à nos habitudes en ligne, tandis qu’elle influence la grammaire de nos “contenus” et notre rapport à la recherche et la sérendipité algorithmique.

Elle nous montre ce que nous ignorions désirer. L’algorithme de l’appli, aussi puissant que discret, s’adapte en permanence à ce qui vous capte l’attention et parsème la suggestion de sources totalement aléatoires, en pariant sur le fait que ça va vous plaire.

À l’intersection de l’analyse d’image, de flux audio et de texte, de la reconnaissance faciale, de la recommandation personnalisée et de l’analyse de comportement (like, commentaire, swipe), la boîte noire derrière TikTok est à l’intersection de toutes les techniques de surveillance algorithmique développée depuis le début du millénaire. Et à la fin, tout part à Pékin […]