désabusion part 1 & 2

1ère constatation : c’est toujours quand l’ambiance est morose que j’ai envie d’écrire, de faire sortir ce qui me retourne la nuit, dans les rêves, le jour.
2e constatation : ça aboutit rarement à quelque chose de positif, mais au moins ça soulage (c’est déjà ça).

3e constatation : je ne m’appelle pas Caliméro, ni ne pense que ce que je fais est ce qu’il y a de mieux au monde, loin de là, ceux qui me connaissent peuvent le dire, mais j’ai une fierté, un ego normal d’être humain qui fait notamment de la musique et qui est conscient d’une certaine exigence sur sa production.

C’était une ébauche d’entrée en matière. Le développement suit (si on peut appeler ça comme ça).

Ça fait un moment que ça traine, que ça rampe, que je me dis que non, ça n’est pas vrai. Mais si pourtant. On se prend des grosses claques dans la gueule et on en redemande, comme si ça ne suffisait pas. Des années à faire plein de choses créatives et fantastiques, seul ou à plusieurs, à oser espérer peut-être un jour pouvoir en vivre, même si le but premier est de se faire plaisir en créant. Mais voilà, arrivent les jours difficiles, et au moment même où les projets ont atteint la maturité, les portes se ferment de manière quasi systématique. Les raisons sont multiples.

1. Papy l’boxeur

Concernant Papy l’boxeur, le projet est arrivé trop tard pour avoir un réel soutien de l’Abattoir qui à une époque était dirigé par un tandem qui, certes ne faisait pas l’unanimité, mais avait au moins le mérite de s’y connaître en spectacle de rue, ce qui est loin d’être le cas de l’actuel dirigeant. Tout juste celui-ci a-t-il octroyé une résidence, accordée du bout des lèvres grâce au soutien d’une autre compagnie reconnue qui, elle, avait grâce à ses yeux. Mais pas la peine d’oser espérer plus, comme une programmation en “In” au festival Chalon dans la rue de l’année. Qui dit programmation “In” dit :

  • communication du festival donc visibilité, donc nombreux programmateurs
  • représentations payées
  • logistique technique du festival
  • soutien d’un lieu/festival référence dans le milieu : les portes s’(entr)ouvrent dans ce milieu

Donc, là, point de tout ça, malgré un projet long, réfléchi, ayant demandé beaucoup de temps et d’énergie, et qui dépasse largement la portée - individuelle et collective - de nombres de spectacles plus coûteux mais institutionnels et donc archi-soutenu, quelqu’en soit le résultat final.
De plus, Papy l’boxeur est créé par des autodidactes, et ça n’a pas bonne presse dans les milieux artistiques visés, théâtre de rue et marionnettes. Quiconque ne sort pas d’une école peut faire le spectacle le mieux torché possible (attention je n’ai pas la prétention de dire que c’est le cas pour nous), il sera de toute façon dédaigné par la “profession”. Certes, la 1ère du spectacle avait montré qu’il y avait encore du travail pour aboutir complètement la pièce, mais on en percevait grandement la teneur, le propos et l’univers plastique et musical.
Evidemment, les travers précédemment décrits se retrouvent amplifiés dans la conjoncture actuelle où la frilosité est de règle, où les financements se réduisent comme peau de chagrin pour les petites compagnies alors que les grosses bénéficient encore du soutien institutionnel, où les programmateurs ne prennent aucun risque, quitte à payer cher des spectacles daubés (si, si, ça existe, vous aussi vous en avez vu).

2. Tomek

Autre univers, autre cas. La musique. On y retrouve cependant aussi la frilosité, que ce soit du côté du business du disque (en chute libre depuis quelques années) que du côté des médias en pilotage automatique et des programmateurs qui n’osent plus rien ou presque.
2000, premier album autoproduit, sorti en Cd-r faute d’avoir trouvé un label. Malgré tout des pistes pour la suite permettent d’être optimiste. L’heure n’est pas encore à l’effondrement du marché du disque, de ce côté-là ça va plutôt pas mal… on sent que ça va bouger mais bon. L’accueil presse est limité (les envois promos aussi) mais plutôt encourageant : Magic!, Abus Dangereux, divers webzines chroniquent positivement le disque.
Quelques concerts sur les années grâce à des gens qui deviendront pour la plupart des amis, pas de tournée mais les morceaux se rôdent tout de même sur scène.
Puis l’enregistrement du 2e album qui traine pendant des années, des cours de chant, des morceaux qui muent, d’autres qui disparaissent, nouvelle session d’enregistrement, pause, etc. jusqu’à fin 2006 où je décrète que c’est fini, tout de même. J’y ai mis beaucoup de temps, d’énergie, des amis ont participé, m’ont prêté du matos, des guitares, des micros, joué des arrangements indispensables… bref, un aboutissement.
Pendant ce temps, je n’ai pas démarché pour les concerts, ou si peu, ni le temps ni l’énergie à consacrer à ça, notamment pendant l’année 2006 presqu’entièrement consacrée à la création de Papy l’boxeur.
Je n’ai envoyé de démo à personne, aucun média… la seule autopromo est constituée d’une page myspace, comme tout le monde, et d’un site remis à jour.
Pendant ce temps, le marché du disque se casse la gueule, les concerts deviennent de plus en plus difficile à trouver, les programmateurs se rabattant sur des valeurs sûres, la radio est verrouillée (ça c’est déjà plus ancien), on assiste à une staracadémisation galopante, avec son lot de rêve immédiat de stars, de strass et paillettes, à une superficialité absolue de la musique business qui tend au néant artistique le plus crasse. Mais il ne reste plus que ça qui vend. Et encore.
On s’aperçoit aussi de l’homogénéisation des productions, où l’on nous sort (notamment) du sous-Noir Désir de pacotille, d’autres groupes aux paroles caricaturales et ridicules mais qui semblent plaire. A côté de ça surnagent des productions ambitieuses, à contre-courant comme Programme ou Non Stop pour ne citer qu’eux. Mais on voit avec la fin du label Lithium (qui abritait Programme) que la logique marchande l’emporte.
Alors je ne me fait guère d’illusion sur une hypothétique éventuelle possibilité de sortir ce disque que j’ai porté pendant des années, accouché dans la douleur et qui risque de finir en autoprod CD-r voire mp3, beurk.

En conclusion

Dans les 2 cas, j’ai l’impression d’une erreur de timing fortement préjudiciable à l’aboutissement des projets. L’impression d’arriver trop tard quand les possibilités sont tellement réduites qu’elles ne permettent pas d’émerger comme tant d’autres le souhaitent aussi. Peut-être aussi qu’il faut se poser la question de la viabilité d’une certaine forme d’art qui refuse à tout prix les compromissions (ah, un grand/gros mot !) quitte à se couper de tout réseau de diffusion quel qu’il soit.

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